Les chemins d’accès à la masculinité

La sexualité masculine revisitée

Pendant un siècle, deux impasses théoriques ont été commises dans les essais de théorisation quand à la compréhension des chemins d’accès à la masculinité : la première, une conception endogène (qui est dû à une cause interne) de la sexualité ayant sous-estimée l’influence et le fonctionnement des adultes sur la sexualité infantile, voir à dénier le fait ou l’abus sexuel exercé sur l’enfant. La seconde, une vision trop exogène plaçant la causalité psychique à l’extérieur, dépouillant l’inconscient de toute fonction.

La sexualité adulte rend compte des empreintes vécues par l’enfant.

L’origine des fantasmes féminins des hommes :
bisexualité ou incorporation de la puissance ?

Les fantasmes féminins chez le garçon ont été considérés par la psychanalyse comme l’effet d’une bisexualité constitutive. Les fantasmes féminins seraient ainsi des aspects féminins réprimés inconsciemment et présents de façon naturel dans le psychisme de tous.

Il faudrait donc d’après cette première théorie, interpréter les fantasmes homosexuels des patients hétérosexuels comme un produit de la bisexualité constitutive.

A l’opposée de cela, Silvia, affirme que la psychanalyse a surestimée une sorte d’évolution endogène de la masculinité. S’appuyant sur son expérience clinique et les découvertes anthropologiques, elle nous dit que ces fantasmes féminins correspondent plutôt à une tentative d’incorporation de la puissance et de la virilité d’un autre homme. Les récits de rapports entre hommes, tels qu’ils se manifestent parfois dans l’inconscient de l’enfant n’ont rien de proprement homosexuels. Pour ces jeunes enfants, elle nie farouchement  à l’inconscient tout statut de sujet, et encore moins de sujet homosexuel. Dès lors, l’inconscient ne peut faire émerger des intentions homosexuelles à proprement parler.

Un parcours féminin pour acquérir la virilité

La masculinité du garçon serait un processus paradoxal soumettant sa sexualité masculine à un parcours féminin consistant à  introjecter fantasmatiquement le pénis paternel. Prendre donc inconsciemment la puissance sexuelle paternel pour l’incorporer en soi.

De plus, il faudrait rappeler que l’identification du garçon s’inscrit avant que les catégories de la sexuation (homosexuel, bisexuel, hétérosexuel, transsexuel) puissent le différencier.

Comment éviter de perdre la masculinité ?

Le garçon aurait par ailleurs à acquérir cette masculinité mais aussi à la soutenir. Il pourrait en effet facilement être destituée de celle-ci. Pour palier à cela, beaucoup de sociétés ont mis en place des épreuves ritualisées pour vérifier et acquérir la virilité. Parmi ces épreuves et rites de passages, l’anthropologie nous a appris qu’il y a la réception d’un pénis sur le mode anal pour pouvoir accéder dans un second temps au rapport sexuel avec la femme.

Par exemple en Grèce, l’initiation pubère du garçon se faisait par un homme plus âgé. Chez les Sambias de Mélanésie, l’initiation des garçons consistait à recevoir le pénis d’un autre par la force dès leur dix ans et pendant une dizaine d’années !

« L’homosexualité se conçoit chez beaucoup de gens comme un échec de la masculinité. » Voilà qui nous prouve que la confusion règne encore. Le choix d’objet génital et l’identité de genre doivent être différenciés.

« Les initiations masculines passent habituellement par une appropriation symbolique du pouvoir procréateur féminin ou, au contraire, par une expulsion symbolique de la part féminine contenue dans la masculinité² »

En résumé, l’hypothèse de Bleichmar est que « le masculin ne se constitue que sur […] des fantasmes qui ne pourraient êtres jugés par le moi que comme homosexuels« .

 

R. Azria & D. Hervieu – Léger (dir.), Dictionnaire des faits religieux, Paris, PUF, 2010, p.541-548

1. Silvia BLEICHMAR, Paradoxes de la sexualité masculine, PUF, 2010, p. 70

 

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